Cela fait maintenant 6 années que le Conseil Départemental de Loir-et-Cher offre à ses habitants l'opportunité de (re) découvrir gratuitement chaque année trois sites patrimoniaux de notre région. Pour 2022, il s'agissait, en Loir-et-Cher, des châteaux de Meslay et de Beauregard, et dans le département voisin de l'Indre, celui de Valençay. Pour bénéficier de cette invitation, il fallait bien sûr habiter le Loir-et-Cher, mais surtout réserver obligatoirement nos billets sur la plateforme prévue à cet effet. Notre choix s'est porté de visites s'est porté sur Beauregard et Valençay.
Nous commençons ce petit périple automnal et culturel par le château de Beauregard.
C'est un château privé aux mains de la même famille (Anne-Marie & Guy du Pavillon) depuis 1926. Bien que Loir-et-Chériens depuis 1976 et habitant pourtant à moins de 10 km, nous ne l'avions jamais visité. Et j'ignorais même son emplacement (il faut bien admettre que sa signalisation n'est pas son meilleur atout). Cet ancien relais de chasse de François 1er fut la demeure des ministres des rois du XVIème et XVIIème siècles. Louis XIV y a séjourné et le cardinal de Richelieu y a dormi. Sa principale attraction, c'est sa Galerie des Illustres, présentée comme une collection unique de 327 portraits. Longue de 26 mètres et en cours de restauration, elle affiche chronologiquement les physionomies de "hautes personnalités politiques" nationales et internationales, allant de Philippe VI à Louis XIII. Le projet de cette œuvre, initié par Paul Ardier riche homme d'état, a nécessité 60 années de travaux sur 3 générations. Il retrace une période de 315 années et 15 règnes. Une autre galerie est consacrée à 69 chiens fidèles compagnons de certaines personnalités. C'est pour le moins anachronique et très bizarre ... Pour conclure votre parcours intérieur de ce château, les amateurs de "cuivres" apprécieront en sous-sol une authentique cuisine du XVIème, avec sa batterie idoine de 86 unités !
Ce monument historique dispose également d'un intéressant parc paysager qui, selon les sites consultés, occupe une superficie de 30 ou 40 hectares. Il permet de s'y promener tranquillement pour découvrir : des arbres majestueux, certains centenaires, voir bicentenaires comme ses ifs et cèdres, un Jardin des portraits (imaginé par le paysagiste Gilles Clément), une glacière du 17ème, un jardin de la Chapelle planté de camélias, rhododendrons et azalées, une chapelle du 15ème (en ruines), une Orangerie du 17ème qui héberge un ensemble de restauration, et un jardin contemporain composé de "12 chambres", associées chacune à une couleur de plantes et de fleurs.
Après notre visite de 2 heures, je dois avouer que nous restons dubitatifs quant à son réel intérêt quand il s'agit d'acquitter son droit d'entrée fixé à 14 € 00. Car l'entretien de ce château, intérieur et extérieur, laisse à désirer. Ensuite, le prix demandé me semble un peu élevé* compte tenu du relatif patrimoine culturel à découvrir ! D'ailleurs, sur ChioteAdvisor, beaucoup de personnes se lâchent à ce propos.
* A titre de comparaison, Blois est à 13 € 00, Chambord à 14 € 50 (somme à laquelle il faut toutefois ajouter les 4 € 00 pour garer votre véhicule de moins de 2 m 10), Amboise à 13 € 50 et Chenonceaux à 15 € 00. Et dans ces châteaux, le patrimoine historique et culturel est quand même d'un autre niveau !
Le 6 octobre 2022, direction le château de Valençay dont l'ouverture est plutôt tardive, puisqu'à 10 h 30. Et compte tenu de l'opération du Conseil Départemental de Loir-et-Cher, il y a du monde qui attend ! Que des vieux ... comme nous !
Le domaine de Valençay est connu pour avoir été la demeure de Talleyrand, diplomate et ministre de Napoléon 1er. Le château, de styles Renaissance et Classique, est doté d’un riche mobilier historique et bénéficie d’un grand parc d’une cinquantaine d’hectares faisant alterner jardins et domaine forestier. Le théâtre construit par Talleyrand au XIXème siècle a été rouvert à la visite en 2013.
Le billet donne accès à la visite du château et de ses jardins (3 jardins : jardin français d’Edouard André, Cour d’honneur et Grande perspective du parc) et les activités annexes : jardin d’Antonin et jeu des senteurs, parc aux daims, l’enclos des chèvres, aire de jeux pour les enfants… Aire de pique-nique à l’intérieur du parc.
Sa construction a commencé à la Renaissance avec Jacques d'Estampes, qui fit raser le château en place du 12ème, et s'est terminée à la fin des années 1700. Il fut la propriété de John Law, dont l'aventure bancaire fut un des premiers crashes financiers, et de l'intrigant diplomate Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, auquel Napoléon 1er déclarera le 27 janvier 1809 : "Vous êtes un voleur, un lâche, un homme sans foi ; vous ne croyez pas à Dieu ; vous avez, toute votre vie, manqué à tous vos devoirs, vous avez trompé, trahi tout le monde ; il n'y a pour vous rien de sacré ; vous vendriez votre père. Je vous ai comblé de biens et il n'y a rien dont vous ne soyez capable contre moi."
Le pavillon d'entrée est un important édifice en forme de donjon d'habitation, parcouru par de multiples fenêtres, tourelles et faux machicoulis. On pourra jeter une attention particulière aux pilastres superposées, aux chapiteaux doriques du rez-de-chaussée, ioniques du 1er étage et corinthiens du 2ème. Son aile ouest a été insérée au 17ème et rectifiée au 18ème. Sa toiture est dans le style "Mansart". A visiter en son RDC : le grand vestibule Louis XVI, la galerie Talleyrand, le grand salon et le salon bleu. Et comme Talleyrand était un fin gastronome (créateur du Valençay et promoteur du Brie de Meaux au congrès de vienne le 9 juin 1815, qu'il déclarera "roi des fromages"), il ne faut pas manquer en sous-sol les conséquentes cuisines et la cave à vins.
Les jardins, que l'on découvre juste après la visite des cuisines, abritent un imposant escalier construit en 1884 par Henry Dauvergne. De ses marches, on découvre la vallée du Nahon. En poursuivant à droite, on franchit un petit pont pour arriver sur le parterre de l'aile ouest dont la grande perspective du parc a été dessiné en 2016 par Noémie Malet, inspirée d'une gravure de 1705. Et si le temps ne vous est pas compté, vous pourrez pousser jusqu'au parc des daims pour terminer votre visite.
Château de Beauregard
Propriétaires : Anne-Marie & Guy du PAVILLON
41120 CELLETTES
Tél. : 02 54 70 41 65
Email : info@beauregard-loire.com
Site web : https://beauregard-loire.com
Horaires d'ouverture : 10 h 30 à 18 h 30 (dernier accès à 17 h 30)
Juillet/Août : 10 h 00 à 19 h 00
Novembre à mars : 10 h 30 à 18 h 00
Château de Valençay
2 rue de Blois
36600 VALENCAY
Tél. : 02 54 00 10 66 ou 02 54 00 15 69 ou 02 54 00 15 74
Email : accueil@chateau-valencay.fr
Site web : www.chateau-valencay.fr
Ouverture :
19 mars à septembre de 10 h 00 à 18 h 00
Octobre et novembre de 10 h 30 à 17 h 00
Dernière entrée 45 minutes avant la fermeture
Après notre matinale déambulation culturelle d'une heure trente au château de Valençay, une solide pause gourmande s'imposait. Le Michelin 2022 ne recense qu'un seul restaurant Bib gourmand dans les parages. C'est l'Auberge Saint-Fiacre à Veuil, que le GPS "abscons et déficient" de chez Renault s'obstine à situer à la sortie est de Valençay, soit à l'opposé de sa position.
Katia & Arnaud Gauthier placent leur établissement au pied du château "ruiné" de Veuil. En fait il est à peu près à 80 mètres, mais par contre en bordure d'un des nombreux bras du Nahon, ce qui doit lui donner l'été un côté bucolique et rafraichissant.
L'offre friande de leur auberge se décline au travers d'un menu Bib gourmand à 37 € 00 pour 3 plats, d'un menu Saint-Fiacre (de bouche à oreilles) en 3 services pour 46 € 00 et 60 € 00 pour 4, ainsi qu'une carte de 14 propositions. Manque de chance pour notre portefeuille, quinze jours auparavant, la même offre se chiffrait à 35, 44 et 58 € 00. Et petite déception pour moi, le Berrysch coffee, alliance de chocolat, café, praliné et crème glacée au whisky Berrichon des frères Mabillot n'est plus au menu. Côté accompagnements vineux, la carte idoine fait largement appel aux ressources locales, avec des Valençay et Touraine AOC à moins de 25 € 00. Cette offre se complète d'une au verre (de 15 cl !) oscillant entre 5 et 7 € 00. Cerise sur le gâteau, les verres sont ici gravés en spirale afin de vérifier la quantité versée. Comme d'ailleurs l'impose l'article 16 de la loi N° 0178 du 31 juillet 1935, ce dont beaucoup de restaurateurs devraient prendre exemple !
Après un apéritif local associant vins rouge (pour moi) et blanc (pour Pascale) à de la liqueur de mûre pour tenir compagnie à nos 3 gourmands amuse-bouche (dont je n'ai pas retenu les intitulés) nous avons bien apprécié, après une petite patience mettant en scène un Flan de foie gras et chips de physalis caramélisé, les félicités du menu à 37 € 00 suivantes :
- pour Pascale : Maquereau fumé à l’instant, mousseline d’œuf à la truffe d’automne, poireau et pickles - Mignon de porc et lard gras, jus au sésame et miel - Ganache montée au chocolat ivoire "kewane" de chez Cluizel, biscuit et sorbet cacao
- pour moi : Betterave et amande, chèvre frais de la ferme de Mosnay, biscuit éponge à l’ail et persil - Dos de maigre, crème au jus de coquillages et noix de cajou - Sablé breton confit de poire au parfum de vin chaud, crème glacée au yaourt
Pas de faute de goût, d'assaisonnement et de cuisson, bref une très bonne et concluante expérience.
Pour parachever ce très bon déjeuner, on ajoute trois plaisantes mignardises plus un verre de Valençay blanc et un de Pineau d'Aunis rouge pour faire glisser le tout, et on s'acquitte d'une fort honnête addition de 97 € 00. Service féminin souriant et courtois en prime.
Auberge Saint-Fiacre
5 rue de la Fontaine
36600 VEUIL
Tél. : 02 54 40 32 78
Email : aubergesaintfiacre@wanadoo.fr
Site web : www.aubergesaintfiacre.com
Fermé dimanche soir, lundi et mardi
La "Cou clair du Berry" n'est pas une race de chèvre reconnue par l'INAO ! De ce fait, elle n'est donc pas répertoriée comme telle dans celles homologuées pour fabriquer du Selles-sur-Cher et du Valençay, mais considérée comme une Alpine. Une belle absurdité de plus à mettre à l'actif de cet organisme, plus prompt à cirer les bottes des grands groupes laitiers (affaire du Camembert fabriqué en Normandie) qu'à valoriser le travail des fabricants fermiers ! Trop voisine visuellement de l'Alpine, elle n'est pas assez typée, ont déclaré les "pingouins" de l'INAO ! Pourtant, on retrouve bien la trace de son historique au début des années 1900. Et franchement, ça ferait belle impression commercialement parlant, de proposer des fromages AOP de la région Centre Val de Loire élaborés avec le lait de telles chèvres !
Cette Ferme de la Fringale, je l'ai choisie du fait de son implantation sur le trajet emprunté cet après-midi du 6 octobre 2022 pour rejoindre la distillerie des frères Mabillot à Sainte-Lizaigne. L'accueil d'Isabelle Genevier n'est pas le plus amène qu'il soit. Si sa boutique propose différentes spécialités fromagères fermières, dont les deux AOP du coin, Selles-sur-Cher et Valençay, la vitrine réfrigérée n'est pas son meilleur argument de vente, comportant peu de produits à la vue du public (Isabelle Genevier ira chercher les nôtres dans le local d'affinage). Parmi les quatre fromages que j'ai achetés, le plus affiné des deux Valençay (Cf. photos 6 & 7 du diaporama ci-dessous) est bancal et sa coupe laisse apparaitre des craquelles peu engageantes, surtout chez une AOP. Quant aux Selles-sur-Cher, l'un des 2 est très plat et hors dimensions. Niveau goût, c'est assez neutre, sans ce côté noisette qui fait la différence ... Bref, ma découverte n'est pas très concluante, mis à part celle des Cous clairs.
Bien sûr, afin de permettre à cette fromagère de rectifier le tir, j'ai informé Bernard Foisnon, animateur de ces deux AOP. Après un premier "contact mél" pour clarifier les choses, il m'a rappelé le 8 novembre pour m'informer qu'Isabelle Genevier était toute disposer à me revoir pour évoquer ces problèmes de fabrications déviantes. Je mettrais donc cette petite mésaventure sur le compte de l'accident de parcours ... à pardonner.
GAEC de la Ferme de la Fringale
Isabelle & Richard GENEVIER
Lieu-dit "Les Vaudettes"
36600 VEUIL
Tél. : 02 52 16 09 45 - Portable : 06 87 74 59 18
Email : contact@gaec-fermedelafringale.com
Site web : www.gaec-fermedelafringale.com
C'est grâce à la lecture d'un dessert proposé fin septembre par l'Auberge Saint-Fiacre, le Berrysch coffee, alliance de chocolat, café, praliné et crème glacée au whisky Berrichon des frères Mabillot (hélas remplacé par un autre lors de notre passage !), que j'ai découvert cette adresse productrice de whiskies implantée dans l'Indre. Un mél envoyé pour apprendre que leurs whiskies ne sont pas distribués à Blois, suivi d'un appel téléphonique à Mathieu Mabillot pour conclure un rendez-vous, et le 6 octobre 2022 en fin d'après-midi nous découvrons la gamme de ses alcools de grains mais aussi celle de ses Reuilly.
Après un grand-père céréalier, un père céréalier et viticulteur, c'est au tour des deux frères, Matthieu et Renaud, de poursuivre l'aventure du domaine et d'ajouter en 2017 à ces deux activités, celle de distillateurs. Il faut avouer que l'orge nécessaire, de la variété "Passerelle", pour faire un whisky, Renaud et Matthieu en disposent ! Mais encore fallait-il franchir le pas. Et celui-ci est totalement franchi en 2018 avec l'acquisition d'un alambic Arnold Holstein. Interviennent alors les premières distillations en juin et en août, avec comme objectif de produire des whiskies floraux ayant une pointe de sucrosité. Et 3 ans après (comme ses homologues anglo-saxons, mais surtout comme l'impose la législation), soit fin 2021, deux premières cuvées répondant aux noms d'Artry et Les Dordans sont offerts à la vente. Ce 6 octobre 2022, Matthieu nous propose d'en déguster trois; un quatrième plus tourbé doit être dispo vers la mi-novembre :
- Les Dordans - 65 € 00 : il a mûri dans des fûts français et a été réduit à 46°. Le nez est vif et ça se confirme en bouche, avec une petite rondeur agréable et une pointe de fumé.
- Artry - 60 € 00 : il a vieilli dans des fûts américains et a été réduit à 46°. Le nez est séduisant, plus rond qu'alcool. Mais en bouche, c'est la vivacité qui domine.
- Les Tortigaloises - 56 € 00 : il a séjourné dans des fûts de Pauillac et a été réduit à 46°. C'est le plus rond des 3 whiskies dégustés. Et même mon épouse, peu encline à apprécier cette boisson alcoolisée, comme moi d'ailleurs, se laisse séduire.
Finalement, nous choisissons de faire l'achat, comme cadeau pour notre gendre, de la cuvée "Les Dordans".
Mais avant cette triple dégustation, nous avions fait celle des Reuilly du domaine. J'ai délaissé le rosé (épuisé !), pour me concentrer sur les 3 blancs 100% Sauvignon et les 2 rouges 100% Pinot noir disponibles à la vente.
- Reuilly blanc 2021 - 9 € 00 : premier des blancs du domaine, sa robe est jaune pâle et son nez très fleurs blanches. En bouche, la structure se révèle étoffée et élégante, avec une persistance marquée. Une cuvée à boire pour le simple plaisir des papilles. Matthieu nous en fera cadeau d'une bouteille.
- Reuilly blanc "Mont Cocu ou La Fierté" 2021 -11 € 00 : c'est un vin issu d'une parcelle argilo-calcaire cadastralement identifiée "Montcocu" et récolté plus tardivement. Mais comme l'INAO ne la reconnait pas cette parcelle, l'étiquette porte le nom de "Mont Cocu". Et là, ça passe ! Toutefois, pour la clientèle susceptible, ce Reuilly est aussi commercialisé sous l'appellation "La Fierté". La macération pelliculaire lui apporte un supplément floral et son élevage sur lies accentue cette perception. La bouche est riche et enveloppante, avec une fort belle longueur. J'en prends 6 bouteilles.
- Reuilly blanc "Le Haute de la Pente" 2021 - 11 € 50 : élevé dans des fûts de 400 litres (1/3 neufs, 1/3 d'un vin et 1/3 de 2 vins), le bois est bien perceptible au nez et en bouche c'est très vanillé, avec une matière riche. Un vin de gastronomie pour des poissons de Loire au beurre blanc.
- Reuilly rouge 2021 - 9 € 50 : élevé en cuve inox, cette cuvée de base est un peu courte, au nez et en bouche.
- Reuilly rouge "Mont Cocu ou La Fierté" 2021 - 12 € 50 : élevé 11 mois en fûts dans le même esprit que son homologue blanc. Le nez tire sur les fruits rouges et la bouche vanillée est ample, charnue et soutenue. J'en prends 6 bouteilles.
Conclusion : une adresse très intéressante à découvrir pour la qualité de ses productions viticole et spiritueuse, sans oublier son chaleureux accueil.
Domaine Mabillot
Matthieu & Renaud MABILLOT
3 chemin de l’Orme
"Villiers-les-Roses"
36260 SAINTE-LIZAIGNE
Tél. : 02 54 04 02 09
Email : contact@domaine-mabillot.fr
Site web : www.domaine-mabillot.fr
Ma première rencontre avec cette figure du nougat Corse, dont la "gueule" pouvait s'insérer dans un polar de Melville ou d'Audiard, remonte à mai 2012. "Jeannot" Esteban avait alors 85 ans et s'activait toujours dans son laboratoire à la fabrication de ses délicieux nougats, les meilleurs que j'ai dégustés à ce jour.
Lors de notre nouveau séjour sur l'Île de Beauté en juin 2016, il n'était pas question de manquer une nouvelle visite dans sa boutique où nous l'avions trouvé une nouvelle fois en action ... à 89 ans !
Il nous a quittés le 24 octobre 2022 à 96 ans et a été incinéré au crématorium d'Ajaccio le 26 octobre à 11 h 00.
"Riposa in pace" monsieur Esteban !
La Confiserie de la Cité Impériale
Régis ESTEBAN
Rond point d'Afa - Route de Sagone
20167 ALATA
Tél. : 04 95 10 82 27
Email : esteban-bonaparte@wanadoo.fr
Site web : https://confiserie-imperiale.com
Christophe Marchais, originaire de Saint-Michel-en-Brenne, est un cuisinier local et truculent. Pour ce dernier trait de caractère, il suffit de suivre sa page Facebook pour s'en rendre compte. Passé par l'Antarès de Saint-Jean-de-Braye, le Bistrot de Paris de Michel Oliver, Tante Jeanne, Tante Louise, Gaya, le Bistrot du Sommelier de Philippe Faure-Brac (Meilleur sommelier du monde 1992), où il occupera la place de second, et Shozan, il débarque début 2006 à Azay-le-Ferron pour reprendre Terre de Brenne, un hôtel communal. Il y restera jusqu'en février 2009 pour descendre à Châteauroux et reprendre ce qui fut pendant 20 ans La Ciboulette de Maurice Garnier, qu'il rebaptisera Jeux2Goûts. Il entre directement au Michelin 2012 avec un Bib gourmand qu'il perd en 2014 pour le récupérer en 2016 et le garder jusqu'à ce jour.
L'an dernier, à l'époque du Lièvre à la royale, j'avais failli faire le voyage jusqu'à cette préfecture de l'Indre malgré les 200 bornes AR, histoire de déguster le sien, façon Sénateur Couteaux. Hélas, la présence du fameux "Caviar de hareng" dans l'une des propositions de sa carte et son intention de ne rien changer à l'utilisation de cette dénomination malgré ma remarque sur son Facebook, m'en avait dissuadé. Heureusement, grâce à un mél à SignalConso fin janvier 2022, je recevais quelques jours plus tard cette réponse de Christophe Marchais : "Bonjour, nous avons bien pris ce signalement en compte, nous sommes désolés pour cette erreur qui a été rectifiée sur nos cartes et site internet depuis deux semaines. Merci dans tous les cas pour la mise en garde et le renseignement. Cordialement". Dont acte ! Dès lors, plus rien ne s'opposait à faire escale chez Jeux2goûts ... notamment à la reprise de la saison 2022 du Lièvre à la royale, plat ô combien mythique de la cuisine française.
Mon alerte papillaire s'est manifestée avec la lecture de la page Facebook de Jeux2Goûts où tour à tour, 2 photos commentées* par le chef annonçaient l'offre d'un Lièvre à la royale "Babinski" ! Ne connaissant que ceux du Sénateur Couteaux et d'Antonin Carême, la découverte de cette version s'imposait comme une évidence. Et la réservation d'une table pour le 27 octobre encore plus, d'autant qu'il n'y en avait que 15 parts !
* - 17 octobre 2022 : On n’avait pas pu le faire l’année dernière mais là, les planètes se sont alignées !!!! C’est parti pour le lièvre à la royale façon Henri Babinski, d’après la recette éditée par Escoffier en 1903 …. Ça manquait à notre tableau en attendant l’oreiller de la belle aurore qui s’annonce plus que complet cette année !!!!! Quantités très limitées de lièvre donc, seulement 15 parts environ pour cette fois, va juste falloir quelques jours de patience pour en savoir plus … la y’a d’la cuisine !!!!
- 20 octobre : Une farce au parfum de ouf, lièvre et ses abats, foie de volailles, truffes, ail, épinards, trompettes, Armagnac, lard de Colonnata, filet de porc, épices et j’en passe … au milieu, un beau lobe de foie gras de canard mariné truffe et Armagnac … le tout enroulé dans un lièvre totalement désossé, puis on barde et on habille de crépine … tout ça poché à 62 degrés dans un jus de gibier réalisé avec les carcasses de lièvres … c’est parti pour 36 h de cuisson !!!! On le laissera refroidir et conservera dans son jus jusqu’à mardi, alors, il n’y aura plus qu’à le trancher et terminer la sauce au dernier moment avec du sang qu’on additionnera de foie gras mixé avec cœurs, poumons, foies de lièvre et vinaigre … servi tout simplement avec une purée de céleri et raifort …
Deux salles nous sont proposées à notre arrivée. Nous faisons le choix de celle du fond et de la table avec vue sur les cuisines. Un très intéressant menu du jour à double choix, valable seulement au déjeuner, est proposé pour 22 € 00. Il est épaulé par un menu/carte à 32 € 00 et 3 plats suggestions du chef. Il va de soi que c'est l'offre à 32 € 00 que nous avons choisi avec bien sûr pour moi l'option Lièvre à la royale "Babinski". En explorant à la maison la carte des vins, j'avais remarqué que les breuvages sont tarifés à prix modérés, que ce soit à la bouteille (beaucoup de vins à moins de 30 € 00) ou au verre (11 vins et tous à 5 € 00, sauf le Champagne à 9 € 00 !). Un exemple trop souvent oublié par la profession qui préfère dans cet exercice plumer leurs clients avec des verres très souvent entre 9 et 10 € 00 (voir plus chez les plus audacieux !) les 12 cl, quand ce n'est pas 8 cl, voir 6 cl ! Alors, histoire de compenser la durée du "fluide" trajet Chailles-Châteauroux, une coupe de Champagne à 9 € 00 (contenance non précisée, mais certainement de 12 cl) s'impose. D'autant qu'à ce tarif, c'est du Cuis 1er cru de Pierre Gimonnet, un breuvage que vous acquerrez chez ce vigneron à 34 € 00 plus le port ! Elaboré avec 100 % de chardonnay, dosé à 6 g/l (la limite que je me suis fixé) et dégorgé en juillet 2022 (un peu juste !), impossible de regretter l'investissement opéré pour ce plaisir en bulles ! Notre coupe tiendra compagnie aux 3 sympathiques et goûteux amuse-bouche suivants, Tartare de saumon, Tarama de carpe fumée et Mousse d'aubergine et perles de hareng (comme quoi Christophe Marchais a tenu compte de ma remarque !!!).
Nous commençons avec Le gros œuf de ferme poché et la saucisse au couteau grillée en velouté parmentier, tomme fermière, herbes fraîches et pickles de graine de moutarde à l’huile truffée pour mon épouse et La carpe fumée en tarama, fleurette aux herbes, déclinaison de betteraves (chips, rôtie, gel, sorbet) et œufs de truite pour moi. Si mon épouse se délecte avec son gros œuf, je suis par contre moins enthousiaste avec mon entrée. Certes, c'est bon, mais je trouve qu'elle manque de netteté dans l'expression dans ses différentes saveurs et textures. Pour l'escorte vineuse le serveur nous conseille (dans l'ordre) une IGP Var 2021 "Le Vent dans les Voiles" 100% Vermentino de Valérie Courrèges et un Quincy blanc 2021 "Tradition" de Nathalie & Didier Rassat. Impeccable !
Nous passons ensuite pour Pascale au Ris de veau de cœur Français cuit au sautoir, sauce vin jaune, potimarron, truffe d'automne et condiment citron confit (avec un supplément de 9 € 00) et je découvre le tant attendu Lièvre à la royale "Babinski". Là, aucun problème gustatif. Les 2 plats sont excellents et mon assiette repartira "nettoyée" ! Pascale reste sur son breuvage et moi, très dubitatif quand Christophe Marchais m'avait conseillé en message privé un Vieux Banyuls, finalement, faute d'un vin rouge musclé au verre, je me laisse séduire par le Vieux Banyuls, et ça matche bien ! Toutefois, je persiste à penser que pour la proposition de ce plat, l'offre au verre devrait s'élargir à un vin rouge adapté (Rhône ou Sud-Ouest).
Nous concluons doucereusement ce déjeuner avec un Cube Agrumes (yuzu, clémentine, citron, pamplemousse) glace crème de marron et gel de fleur d’oranger et un Petit chou d’automne au coing épicé et praliné maison, sorbet vin chaud et trois mignardises, Boule chocolat, Pâte de fruits (un peu compact) et Financier. Là encore, c'est certes bon, mais cela pourrait être un ton au-dessus; un peu moins sucré pour le Cube (à cause du chocolat blanc) et des saveurs plus marquées pour mon Chou. Reste que dans l'ensemble et pour 126 € 00 tout compris, la qualité de la prestation servie est plus que correcte et fait grandement honneur à son Bib gourmand, avec une mention toute particulière pour les 2 plats de résistance.
Dernière info, Christophe Marchais va proposer en janvier 2023 sa version de l'Oreiller de la Belle-Aurore, façon pâté-croûte, et donc non servi chaud comme le faisait si bien Gérard Besson. Un nouveau voyage à Châteauroux est donc prévu ...
Jeux2Goûts
Chef et propriétaire : Christophe MARCHAIS - Salle, sommelière et propriétaire : Cécile CACCIATORI
40/42 rue Grande
36000 CHÂTEAUROUX
Email : jeux2gouts@gmail.com
Site web : https://jeux2gouts.fr
Fermé dimanche et lundi
Dans ma quête annuelle de dégustations de Lièvre à la royale, j'avais hâte de découvrir celui de Julien Perrodin, version "Antonin Carême", dans son nouvel établissement d'Alençon. Le gros problème de ce restaurant, c'est que son site (qui manque de chaleur) n'est pratiquement consacré qu'à la vente à emporter. Impossible donc de connaître les prix et les contenus des différents menus proposés par cette légendaire maison normande, ce qui en 2022 m'apparait comme une totale incongruité. Une meilleure gestion du chef de son activité passée sur les différents réseaux sociaux, permettrait de gagner le temps nécessaire à combler cette lacune. Tout le monde n'habite pas Alençon pour aller consulter l'affichage idoine avant de réserver. Voilà, ça c'est dit, il fallait que ça sorte ! Passons maintenant au sujet le plus important, celui de notre déjeuner.
Rendez-vous a été pris pour le lundi 31 octobre, avec par précaution un échange de SMS pour être sûr de disposer du Lièvre à la royale, version Antonin Carême. Etant cinq à table, sur les conseils de Barbara, la prise d'un même menu s'est imposée afin d'éviter à la cuisine de jongler avec la différence du nombre de plats entre les deux menus proposés. Ce sera donc le menu BarJu en 3 services pour 35 € 00, la prestation distinguée du Bib gourmand, qui est choisie.
Histoire d'honorer notre collation familiale délocalisée, un apéritif s'impose. Ce sont des bulles de Didier Herbert et de Vigneau-Chevreau qui y participent. Pour leur tenir compagnie, une Crème de topinambour et émulsion noisette, un Toast de rillettes de rouget et une Tartelette tomate et jambon séché. C'est agréable et bien enlevé.
Comme entrée, Pascale fait le choix de l'Histoire de la Saint-Jacques fumée, du foin et du sarrazin, rafraichie à la pomme. Le visuel ne met pas cette entrée en valeur et la préparation de royale de sarrazin qui la recouvre ne convainc pas mon épouse; par contre, celle marinée avec vinaigrette pomme est plus aboutie et plus en phase. J'ai connu notre Julien en meilleure forme pour exalter les grandes qualités de la délicate Saint-Jacques. J'ai opté pour le Feuilleté de jambon maison à la parisienne (dont j'avais suivi l'élaboration sur Facebook), déclinaison autour du céleri, nori, wasabi et oignon rouge et c'est une éclate totale ! La pâte feuilletée est bien croustillante et l'intérieur moelleux et savoureux, avec au passage beaucoup de sensations gustatives qui s'entremêlent avec bonheur, bref du très bel ouvrage, mon Julien ! Pour les vins, Barbara nous sert respectivement un Anjou blanc 2017 du domaine des Coteaux blancs, bien vif, intense et long en bouche, et un vin de ma cave, un Irouléguy rouge 1998 Cuvée Haitza de Thérèse & Michel Riouspeyrous (prévu pour le Lièvre à la royale), qui ne s'est pas révélé au mieux de sa forme, fermé au début et juste aéré et ouvert ensuite.
Nous embrayons tous les deux sur le Lièvre à la royale version Antonin Carême, coing confit. C'est une éclate totale ! Si vous ne connaissez pas cette spécialité ou si vous voulez élargir votre expérience dans ce domaine, c'est ici qu'il faut venir ! Le dernier dégusté de Julien datait du 20 novembre 2018 au BarJu et prouve que notre lutin des fourneaux est toujours dans le bon tempo. Ma seule petite remarque concerne le dressage de la sauce qui ne vient pas toucher tout le pourtour intérieur de l'assiette, comme c'était le cas à Tours (Cf. Diaporama photos 5 et 6). Pour le vin sur ce plat particulièrement goûtu, j'avais demandé à tester cet Irouléguy rouge, ouvert sur mon entrée, et dont l'aération lui a donné un regain de forme, mais pas plus.
Les deux chariots de pâtisseries et de mignardises (un pour le rez-de-chaussée et un pour le 1er étage) sont un des temps forts d'Au Petit Vatel. Ils sont conçus, approvisionnés et présentés par le talentueux Loïc Boulard. Au gré de son humeur, leurs compostions varient au fil du service. Le nôtre comporte : Saint-Honoré - Mousse chocolat blanc et sa compotée de framboises - Millefeuille à la vanille de Madagascar - Crémeux chocolat, biscuit noisette, feuilleté et crème pralinée - Tartelette crémeux citron vert, mangue et crème légère noix de coco - Tiramisu en verrine - Pâte de fruit abricot - Rose des sables chocolatée. Bec sucré par nature et conviction, j'ai demandé à Loïc de bénéficier de 2 pâtisseries et de déguster ainsi un Crémeux chocolat, biscuit noisette, feuilleté et crème pralinée - Pâte de fruit abricot et un Tiramisu en verrine - Rose des sables chocolatée. Conçu sans Marsala, j'ai trouvé le Tiramisu un peu court en parfums, notamment celui du café. Pour le reste aucun problème, c'était top, comme d'habitude ! Ce que Pascale m'a confirmé avec sa Tartelette crémeux citron vert, mangue et crème légère noix de coco et de sa Rose des sables chocolatée.
Dans le diaporama ci-dessus, vous trouverez des photos d'autres plats pris par ma fille Carole, mon fils Romain et sa copine Cynthia.
PS : rien ne va plus Au Petit Vatel depuis octobre 2023 où Barbara Perrodin s'est emparé de sa direction et des cuisines, créant un climat conflictuel qui a failli être fatal à son mari Julien Perrodin. Heureusement, celui-ci a survécu et assure depuis le 1er mars 2024 les beaux jours papillaires de la clientèle de l'Auberge du Bon Laboureur à Chenonceaux
Au Petit Vatel
Propriétaire et chef : Julien PERRODIN - Propriétaire et salle : Barbara PERRODIN - Chef pâtissier : Loïc BOULARD
72-74 place du Commandant Desmeules
61000 ALENÇON
Tél. : 02 33 28 47 67
Email : aupetitvatel61@orange.fr
Site web : www.aupetitvatel.fr
Fermé mardi, mercredi et dimanche soir sauf jours fériés
Quand le 14 octobre 2022 j'ai reçu un mél de la Maison Médard proposant pour le WE des 4, 5 et 6 novembre un menu "Accord mets et Champagnes Philipponnat" (la maison qui dispose d'un stock de 3 millions de bouteilles !) en 6 opus pour 150 € 00 apéritif compris, je n'ai pas réfléchi très longtemps. Grand amateur de bulles de cette région avec mon épouse, j'ai réservé illico une table pour le déjeuner du 5 novembre. Surtout que dans les 6 Champagnes d'équipage figurait le mythique Clos des Goisses, le plus ancien, le plus grand et sans doute l’un des plus célèbres clos du vignoble champenois; et qui, selon las avis éclairés des experts, produit un vin d'une ampleur et d'une longueur exceptionnelle. La seule inconnue, et je regrette de ne pas avoir demandé les précisions nécessaires à ce sujet, c'était la contenance des verres servis ... qui aurait dû d'ailleurs être indiquée. A priori, elle avoisinait les 5/6 cl, peut-être moins pour le Coteaux Champenois.
Pour l'apéritif, l'accord s'opère avec la Royale réserve non dosé sur 4 minutieuses et remarquables bouchées apéritives : Panacotta aux cèpes sur biscuit sablé - Tartelette de crème de choux-fleurs - Œuf mimosa au chou-rave et huile de noix torréfiée - Tuile de chlorophylle de chou-rave, condiment à l'ail noir et tarama d'œufs de dorade. Histoire d'apporter un épaulement papillaire supplémentaire, nous avons droit à 3 beurres au lait cru (demi-sel, à la chlorophylle de chou-rave et au paprika-tomate), une coupelle d'huile de tournesol bio de GAR'Ô délices et surtout les formidables pains d'Au Repère du Bon Pain de Savigny-en-Sancerre.
Histoire de compléter ce quatuor, Magalie nous propose un travail sur la betterave, chioggia et rouge, assaisonnée d'une huile à l'estragon, et non huile d'estragon, et d'un vinaigre aux peaux de betterave. Je craignais qu'un un goût terreux se manifeste dans cet impeccable exercice, mais Julien Médard a adopté les bonnes betteraves.
L'utilisation de l'œuf de cane est rarissime en cuisine. C'est d'ailleurs la première fois qu'il m'est l'occasion de le déguster dans un restaurant. Il est cuit à 64° et accompagné de rillettes de cuisses de canette, d'une brioche, d'épinard et d'un bouillon de volaille. Cette première entrée est délicate et suave. Pour lui tenir compagnie, Stéphane Morand nous verse du 1522 Brut 2015 Blanc.
C'est au tour de l'Oursin d'entrer en scène. Dans la première assiette, il s'accompagne d'une mousse de poisson, de citron sudachi, d'un cresson brède, d'un bouillon de légumes travaillé comme un beurre blanc, avec de l'oursin et d'un corail d'oursin, et dans la seconde, on trouve un risotto de céleri avec une crème d'oursin. Ce n'est pas le plat qui m'a le plus excité papillairement. Je m'attendais à une préparation plus iodée. Par contre, mon épouse qui n'a pas une grande attirance pour cet invertébré dont elle redoute justement le caractère iodé, a été satisfaite. En nous servant le Royale Réserve Rosé, Stéphane Morand commet un impair. En effet, il nous précise un dosage similaire à la Royale réserve non dosé, or celui-ci est à zéro g/l, alors que le rosé est à 9 g/l ! Autre remarque, mais destinée à la maison Philipponnat. Faire un Champagne rosé d'assemblage est un exercice désuet alors qu'une saignée lui donnerait, à mon avis, une autre dimension. Ne pas oublier que le Champagne est le seul vin de l'hexagone à pouvoir être élaboré grâce à un assemblage de vins rouge et blancs ! Vous avez dit lobbying ?
Gastronomie durable oblige, Julien Médard utilise la Saint-Jacques de plongée ! Dans ce premier plat, son duo est juste snacké, avec de la carotte glacée, des pieds de cochon et un jus aux barbes torréfiées. Un seul qualificatif : merveilleux ! C'est sur ce plat que Stéphane Morand nous fait découvrir le fameux et grandiose Clos des Goisses. C'est là que nous avons regretté que son bras ne soit pas resté un peu plus longtemps en position horizontale ...
Je n'en suis toujours pas fan, mais j'accepte de faire une petite pause avec l'Ice Champagne !
Nous reprenons avec le Pigeon de Racan. Le morceau servi est taillé dans le filet et cuit sur coffre, soutenu par un ketchup de "choix choucroute" (ce que j'ai compris !) et un pressé de légumes. Mais ce sont surtout la mousse de foie de pigeons à tartiner et une rillette qui vont parachever en toute béatitude ce superbe plat ! Comme nous en avons échangé avec le chef en fin de repas, son uniforme et étonnante couleur "rouge carmin" pourrait rebuter des amateurs de viande bien cuite. Mais comme je le pressentais en la voyant, il n'en est rien, la viande n'est pas du tout saignante. Je pensais que pour obtenir ce résultat, Julien Médard utilisait la cuisson sous-vide. Et bien non, il dispose d'un four spécial qui lui permet d'arriver à cette prouesse. Et si le four tombe en panne, il est mal ! Pas de Champagne pour cette association vineuse conçue par Julien Médard et Matthieu Renault, un agent de la maison Philipponnat, mais un Coteaux Champenois identifié "Mareuil", dont l'année de récolte n'est pas indiquée explicitement sur l'étiquette. Il faut lorgner du côté du numéro de lot (bizarre pratique, plutôt utilisé autrefois pour les VDF !) pour la découvrir ... 2015. Belle découverte, mais trop chichement servie, du tout moins à notre table, tout juste 4 cl !
NB : les personnes intéressées par les particularités de ces 7 accompagnements vineux trouveront ci-dessous les fiches explicatives pour 6 d'entre eux, celle du Grand blanc 2012 étant indisponible.
Pour la partition fromagère, c'est le lait de bufflonne de la ferme de la famille Bailly-Blain, non loin de Boulleret, qui est mis à l'honneur. Et pas du lait de buffle, comme l'inscrivait Jérôme Schilling, pourtant récent MOF 2022 (il faut d'ailleurs être très très intime avec l'animal pour en obtenir !) il y a quelques années dans un de ses menus (Cf. Diaporama photo N° 20) ! D'ailleurs, je ne serais nullement étonné qu'aujourd'hui, ce MOF 2022 travaille l'œuf de canard ! Visuellement et gustativement cette préparation est magnifique. Je la trouve sobre, élégante, équilibrée, suave, et pourtant, je ne suis pas fan de ce type de réalisation. Le Champagne sélectionné est la cuvée Grand Blanc 2012, 100% Chardonnay. Parfait !
Dernier volet gourmand de ce déjeuner, son final sucré. C'est la Poire qui en est la star. L'assiette en grès, de couleur rouge/orangé, ne met pas en valeur le très bel exercice accompli par le chef avec ce fruit peu utilisé. Deux variétés sont mises en concurrence, la Williams et la Conférence. Travaillées en tartare, enrobé dans une fine gelée avec du cerfeuil, parée d'une ganache pralinée, de tuiles au chocolat blanc croustillant (un chocolat au lait de chez Bonnat aurait peut-être mieux convenu), d'un sorbet au yaourt et d'un coulis de poire à base de peaux et de cœurs, ce n'est pas renversant, mais c'est du bel ouvrage. Le dernier Champagne présenté dans le cadre de ces accords est le LV Grand Blanc 2000. La mention LV pour long vieillement, puisqu'il a été dégorgé le 30 mars 2021. Ce 100% Chardonnay faiblement dosé à 4,5 g/l conclut en toute beauté ce "Menu d'exception" !!!
Et comme si sans mignardises, il nous aurait manqué ce petit quelque chose qui fait la différence, Stéphane Morand nous gratifie d'une Pâte de fruit raisin et cannelle, d'une Tartelette ganache à la pistache et d'un Sablé abritant une crème brûlée au rhum et un crémeux au marron (je préfèrerais le terme châtaigne).
Accompagner 6 préparations par 5 Champagnes différents et un Coteaux Champenois, en débutant par un sixième à l'apéritif, s'est révélé une expérience gustative des plus réussies, d'autant que ce menu "accords mets & Champagnes" était proposé pour 150 € 00 par personne tout compris. Julien Médard et son équipe comptent ne pas en rester là, et travaillent déjà les prochains thèmes 2023 où seront mis à l'honneur la truffe, et un peu plus tard le homard. A vos agendas ...
Maison MÉDARD
Chef : Julien MÉDARD - Propriétaires : Delphine & Julien MÉDARD
En salle : Delphine MÉDARD assistée de Magalie
Sommelier : Stéphane MORAND (décédé accidentellement le 5 mars 2023)
19 place des Tilleuls
18240 BOULLERET
Tél. : 02 48 72 39 42
Email : contact@maisonmedard.com
Site web : www.maisonmedard.com
L'année dernière nous avions extrêmement apprécié le menu "Retour de chasse" que Christophe Hay proposait à La Maison d'à Côté, alors 2 étoiles Michelin. Tester à nouveau cette giboyeuse prestation de haute volée à Fleur de Loire au restaurant "Christophe Hay" m'est apparu comme une excellente initiative, d'autant que ce chef venait tout juste de récupérer ses 2 étoiles*, en suspens depuis son déménagement.
Et comme l'année précédente, mais cette fois-ci auprès d'Hugo Vasseur, j'ai sollicité la faveur (cordialement accordée), d'apporter un "vieux" millésime de ma cave pour escorter notamment les différentes préparations de Lièvre, mais aussi le Mouflon.
Comme d'habitude, la partition des mise en bouche constitue un joyeux moment de plaisirs visuels et papillaires, qui au fur et à mesure de leur dégustation s'élève crescendo. Que ce soit la Feuille de consoude gaufrée, agrumes de notre serre, la Friture de gardons de Loire, la Gavotte au Gouda de Touraine, moutarde d'Orléans et ail des ours, la Tuile et pois chiches de Beauce, et la Tartelette de tarama de Brochet de Loire et son voile de pomelos, tout est minutieusement et méticuleusement créé et agencé. Et comme les assiettes conçues et fabriquées par Annie Cosson, céramiste à Crouy-sur-Cosson, pour servir d'écrin à ces créations sont élégantes et éblouissantes, je n'emploierais qu'un seul adjectif pour cette introduction : superbe !
On passe ensuite aux "accompagnants", soit une Coupelle d'huile colza, un excellent Pain au son maison et deux Beurres, l'un demi-sel et l'autre au caviar (séché ?) de Sologne. Désormais, nous sommes d'attaque pour affronter la suite en toute sérénité !
* le 17 octobre 2022 en fin de soirée, alors que je consultais le site du guide Michelin à la recherche d'établissements proposant du "Lièvre à la royale", je n'en ai pas cru mes pupilles quand j'ai lu que "Christophe Hay - Fleur de Loire", non seulement y était référencé, mais en plus récupérait ses 2 étoiles ! Je lui ai alors passé un message et il n'était pas au courant. Le Michelin ne l'avait même pas averti ! C'est seulement en les contactant quelques jours plus tard pour maitriser une juste communication à ce sujet, que Michelin lui a confirmé cette bonne nouvelle. Ils lui ont en outre précisé que ce n'était la première fois qu'il prenait une telle décision avant le show annuel et la parution du guide, et que l'année dernière, la Maison Jeunet avait déjà bénéficié de ce même traitement (ce n'est donc pas une faveur comme certaines mauvaises langues auraient pu et/ou pourraient le penser !!!)
Le premier service concerne l'Oreiller de Belle Aurore en version 3 plumes (poule faisane - perdrix - colvert). Il est présenté, commenté, découpé, détaillé et servi par la gracieuse et habile Margot. D'une année sur l'autre je m'extasie encore à propos de cette merveilleuse préparation. Et en visionnant à plusieurs reprises ma vidéo (vers la troisième minute), je me dis que nous aurions dû demander à bénéficier des 2 tranches d'entames ... reparties trop vite en cuisine ! L'ensemble est harmonieux et délicieux. Quant au sabayon à la santoline, c'est de la bombe, c'est le cas de le dire ! Il n'en restera plus un seul gramme dans la petite casserole en cuivre qui lui servait de réceptacle ! Pour l'équipage vineux, Hugo Vasseur, désormais chef sommelier depuis le départ fin octobre 2022 de Sébastien Durance, nous a conseillé puis servi un très bon Vouvray sec 2021 d'Alexandre Gicquel à Noizay. Je n'aurais peut-être pas oser associer ce type de breuvage sur cette entrée, mais finalement l'association fait bon ménage.
Comme c'est souvent le cas avec Christophe Hay, des petits plus imprévus égayent et ravissent nos papilles à l'occasion de nos venues. Celle de ce 10 novembre 2022 n'échappe pas à la règle, avec en cadeau un Cèpe en vapeur de sous-bois, cresson alénois et tomme de Beauce, déroulé par l'affable et pétillante Suzanne Vannier. C'est un remarquable travail, fort bien ciselé, avec un coulis de cresson alénois à tomber.
En attendant un jour que le château de Chambord dispose de ses propres installations frigorifiques pour proposer à la vente ses Mouflons élevés en liberté dans son parc de 5440 hectares, c'est Christophe Hay qui les cuisine et les commercialise, à l'assiette, en son Fleur de Loire. Il doit d'ailleurs être le seul chef en France qui en propose à sa clientèle. Ma vidéo tournée à l'occasion de ce déjeuner permet de se faire une idée (4' 45") de cette viande si particulière, quand elle est encore sous forme de trains de côtelettes ou de selles. C'est Charles Barentin qui assure la présentation de ce Mouflon en 3 préparations. D'abord en carré rôti, puis en cuisse enveloppée dans des feuilles de chou pancalier et enfin en selle associée à une embeurrée de chou pancalier. Viande très goûteuse et bien tendre, cuisson parfaite, accompagnement légumier impeccable, avec notamment ce bizarre mais succulent "sparassis crépu", ce plat est parfait.
Pour aborder la suite, nous avons droit à breuvage dépuratif constitué d'une Pause végétale bâtie autour de l'oignon du jardin. Si je m'en régale, mon épouse par contre reste beaucoup plus sceptique et me confie le soin de terminer la sienne.
Annoncé dans ce menu en 2 versions, le Lièvre à la royale dont Christophe Hay nous fait la description se compose en fait de 3 actes ! Le premier est la variante d'Antonin Carême, sans chichis inutiles, avec juste un peu de livèche dans sa farce centrale et simplement (façon de parler !) nappé d'une sauce au sang puissante mais équilibrée. Le deuxième est celui qui aurait très bien convenu aux maxillaires édentés de Louis XIV, c'est à dire l'interprétation effilochée d'Aristide Couteaux, que Christophe enveloppe d'une crépinette. Il est aussi entouré par la même sauce et agrémenté d'un condiment tomate verte. Le troisième, plus allégé, se compose de vermicelles de châtaignes, de foie gras de canard, de petits légumes et d'un consommé de lièvre. En fait, c'est plus un accompagnement qu'une xième interprétation de ce plat mythique. Rien que ce plat nous transporte dans le cercle des 3 étoiles et s'il fallait que je ne garde qu'un souvenir de Lièvre à la royale, ce serait celui-là (en attendant peut-être celui de Frédéric Anton au Pré Catelan, le 17 décembre).
Pour faire une transition sucrée avant notre final pâtissier, c'est au tour du chef de cette spécialité incontournable, Maxime Maniez, de se présenter à notre table avec un prédessert travaillant le panais et la noisette. Ce légume racine est cuit, caramélisé et vanillé, escorté d'une crème fermière légèrement acidulée, ponctué d'une glace à l'huile de noisettes du chef pressées à froid (sic !), et avec une petite gavotte croustillante à la noisette. Moi qui rêvait depuis longtemps de goûter un dessert élaboré avec ce produit, trop souvent relégué à la seule fonction purée, un peu comme les courges, je suis aux anges ! C'est tout simplement éblouissant. Chapeau bas Maxime, mais fait quand même attention à ce que les noisettes du chef ne soient pressées ni à froid, ni à chaud 😂 !
En principe, le dessert prévu dans ce menu "Retour de Chasse" était une Pomme patte de loup comme une Tatin, crème fermière, plante à curry. Mais j'ai pensé que le Soufflé champignons-châtaigne, à l'affiche dans un des autres menus proposés, conviendrait mieux à l'esprit giboyeux de ce repas. Et quand j'ai réservé notre table, j'ai demandé à bénéficier de cette substitution. Je reste perplexe après l'avoir goûter, comme Pascale d'ailleurs, car nous n'avons pas ressenti le goût "champignons" comme nous l'imaginions, pas assez concentré pour nous. Peut-être que l'utilisation d'un champignon séché comme la morille aurait accentué cette perception et lui aurait donné ce peps supplémentaire qui lui manquait. Mais je dois avouer quand même que ce dessert était très intéressant.
Nous n'étions pas au bout de nos surprises. Car pour nous faire plaisir, Maxime est de nouveau venu à notre table ... avec un second soufflé. Uniquement préparé avec des châtaignes et de la crème de marrons, réhaussé par un sorbet coing et un praliné à la châtaigne, c'est l'extase totale ! Merci Maxime !
Ultime exercice dans les douceurs avec d'exceptionnelles mignardises : Rocher noisette et gel de bergamote - Pâte de fruit à la tomate - Chocolat et son gel de gingembre parfumé au café - Nonette à la gelée de groseilles - Tartelette citron, gel de menthe et meringue !
En déménageant de Montlivault à Blois et en y investissant une conséquente somme d'argent, Christophe Hay vise de décrocher la troisième étoile et donc joue gros, très très gros même ! Comme je l'avais déjà dit et écrit l'année dernière, ce menu "Retour de Chasse" est très proche de ce niveau, plus pour moi qu'avec ses menus conçus autour des poissons de Loire, et maintenant aussi avec les poissons de Sologne (et donc d'étangs !).
Fleur de Loire - Restaurant Christophe Hay
Propriétaire/Locataire/Chef : Christophe HAY
Chef exécutif : Baptiste INGOUF - Chef pâtissier : Maxime MANIEZ - Chef boulanger : Alexandre GABRIEL
En salle : Hugo VASSEUR, chef sommelier - Margot
26 quai Villebois Mareuil
41000 BLOIS
Tél. : 02 46 68 01 20
Email : contact@fleurdeloire.com
Site web : https://fleurdeloire.com/fr/
C'est l'agréable "redécouverte" de cette fin novembre 2022 ! Cela faisait un peu plus de 40 ans que nous n'étions pas retournés dans ce restaurant tenu à l'époque, par l'étoilé Jean-Claude Niqueux. Après plusieurs changements de propriétaires, dont celui avec Xavier Aubrun & Thierry Jimenez avait permis de regagner l'étoile en 1999 et la perdre en 2012, depuis septembre 2020 ce sont désormais Stéphanie et Kevin Gardien qui en ont les clefs. Le cursus de Kevin Gardien s'honore de plusieurs tables étoilées comme l'Orangerie* et le Médicis* (je n'ai jamais compris que ce restaurant de Damien Garanger ait pu être étoilé par Michelin de 2008 à 2012) à Blois, l'Alexandrin* et l'Auberge de l'île** à Lyon, mais aussi le Chapeau Rouge** à Dijon. Avec un tel parcours, pas étonnant qu'il ait décroché le Bib gourmand en 2021 !
C'est la proposition sur leur site de cette spécialité que je traque chaque fin d'année, "Notre Lièvre à la royale" inscrite dans leur menu Balzac en 5 actes, qui a motivé notre déplacement. Mais une première surprise nous attend à la présentation de la carte par Stéphanie Gardien. Ce plat n'est disponible qu'au menu Calder en 7 actes ! Après avoir manifesté mon grand étonnement, suivi par quelques échanges et explications, finalement je peux en bénéficier, sans supplément. Ce qui est normal, car autrement cela constituerait une pratique commerciale trompeuse !
Pour nous accueillir en toute convivialité, Stéphanie Gardien nous sert une insolite et sympathique Gaufre de chèvre à tremper dans une crème de morcilla séchée. Cela nous donne le temps d'explorer la carte et de conclure notre déjeuner avec deux menus Balzac. C'est au tour de Kevin Gardien d'entrer en scène avec 3 amuse-bouche originaux fort bien construits, rafraichissants, savoureux et bien relevés : Rillettes de lapin et moutarde d'Orléans - Tartelette au chèvre frais - Croustillant riz, crème citronnée et sandre fumé.
Histoire de patienter, nous avons droit à un sublissime Vaporeux de patates douces, biscuit de patates douces au curry et cecina de bœuf ! Niveau étoile !
Notre déjeuner commence avec des Noix de Saint-Jacques snackées, topinambour et poire, bouillon de bardes au girofle. Je craignais, comme c'est hélas trop souvent le cas avec le topinambour, que ce tubercule manifeste quelques effets digestifs désagréables une fois sur le retour. Il n'en a rien été et cette entrée est impeccable.
Les courges sont les légumes vedettes de cette fin de saison. Je n'ai pas retenu toutes celles que Kevin Gardien nous a ciselé derrière ses fourneaux (butternut, sucrine du Berry ...) mais le résultat dans l'assiette est fabuleux. Il y a une incroyable harmonie entre les différentes textures et saveurs qui permettraient d'envisager sans aucun problème une récompense étoilée ! Chapeau bas, l'artiste.
Le poisson du "Retour de criée" apprête la lotte, un poisson plutôt délicat à cuire parfaitement. Et celui qui m'est servi (mais pas celui de mon épouse) n'a hélas pas manqué pas de vérifier cette difficulté, avec comme résultat un morceau de lotte cotonneux. Escortée de carottes confites dans leur jus, de pamplemousse et d'un bouillon de coquillages, la concentration de l'ensemble carotte/agrume l'anesthésie plus qu'elle la met en valeur.
J'étais venu pour lui et je l'attendais avec impatience, et il est arrivé ce "Notre lièvre façon royale", comme l'a intitulé et me l'a d'ailleurs rappelé Kevin Gardien, lors de mon petit débrief. Eh bien ! non, cher Kevin ! Je réitère et je maintiens mon propos. Votre "Lièvre" n'a rien de royale, même en lui mettant un R majuscule ! Deux aiguillettes de lièvre poêlées, accompagnées d'un conchiglioni farci à la royale, d'une mousseline de pommes de terre et d'un vaporeux de champignons, ça ne suffit pas à qualifier une préparation de Lièvre à la royale ! Votre interprétation est certes gustativement intéressante, mais elle n'a strictement rien à voir avec les seules qui peuvent et ont le droit de porter ce patronyme, c'est à dire celles de Carême, Babinski et Couteaux ! Ces trois esthètes ont dû se retourner dans leur tombe en voyant la vôtre ! C'est bien de revisiter à sa façon une recette emblématique de notre patrimoine culinaire, mais avant de la revisiter il faut d'abord la visiter ! Et puis n'oublions pas que cette prestation est quand même facturée à la carte 38 € 00, soit par exemple 3 € 00 de plus que celle mirifique de Jean-François Beauduin en sa Croix Blanche de Veuzain-sur-Loire honorée d'un Bib gourmand, et en 2 versions en plus !
Mon épouse a préféré choisir la Noisette de biche, mousseline de céleri, jus de gibier au praliné de la maison "Fèves" et elle n'a pas eu à le regretter tant elle s'est régalée.
Pour clore notre déjeuner, cela ne pouvait pas tomber mieux, moi qui adore les soufflés. Celui servi utilise à merveille le Royal Combier, et se complète admirablement avec une nage de clémentines et un sorbet à l’orange. Quelques instants plus tard, Stéphanie Gardien conclut cette prestation avec 3 novatrices et délicieuses mignardises à savoir, une "Grosse" madeleine (c'est très rare de ce calibre !) au miel de sarrasin, une moelleuse et fondante Guimauve à l'absinthe Combier et une trop rare Muscadine.
Pour l'association vineuse de ce repas, nous avons fait confiance aux fines bulles du Vouvray de Bernard Fouquet, un des très bons producteurs de ce vignoble justement réputé; et pour le fameux "lièvre républicain", j'ai souscrit à la proposition d'un verre du très honnête Saumur-Champigny 2021 "Les Tuffes" de Sanzay. La carte des vins recourt à l'essentiel, avec une sélection de très bons vignerons du Val de Loire. On y trouvera sans peine des accords mets/vins permettant d'apprécier au mieux la cuisine mise en œuvre par Kévin Gardien. Toutefois, un sommelier d'expérience serait le bienvenue, histoire de la "revisiter" (après l'avoir visitée bien sûr !), ne serait-ce que pour corriger les erreurs qu'elle contient. A l'instar de la cuvée Marine 2019 de Breton identifiée comme un Montlouis rouge, de ces Cidre et Poiré classés dans les Méthodes traditionnelle (sic), de ces Chinon listés sans séparer ceux des graviers et des coteaux, de cette case fourre-tout "Vin du sud" réunissant entre autres, Cahors et Saint-Chinian ... et surtout de bien lire les étiquettes pour orthographier impeccablement les vins référencés, comme le Larose-Trintaudon Cru bourgeois du Haut-Médoc !
L'Auberge du XIIème siècle
Propriétaire et chef : Kevin GARDIEN - Propriétaire et salle : Stéphanie GARDIEN
1 rue du Château
37190 SACHÉ
Email : contact@auberge12emesiecle.fr
Site web : www.auberge12emesiecle.fr
Né le 7 octobre 1946 à Saint-Etienne (d'autres disent à Firminy !) après la guerre, Bernard Lavilliers a vécu une jeunesse particulièrement agitée, refusant par exemple d'effectuer son service militaire et donc ... incarcéré à Metz pour rébellion. Ses premières chansons, très contestataires, s'acclimatent joliment au contexte libertaire de l'époque (Mai 68 est passé par là).
En 1972 sort son premier album, "Les poètes". Puis viennent "Les Stéphanois" et "Les Barbares", à l'issue desquels il obtient dès 1976 un véritable succès populaire. Chanteur engagé à gauche, mêlant habilement le rock et les rythmiques latines, jazz ou dub, Bernard Lavilliers s'éclipse dans les années 80 pour des voyages en Jamaïque et aux Etats-Unis.
Dès lors, Bernard Lavilliers va étoffer ses musiques et composer notamment le tube "Stand the Ghetto" issu de l'album "O Gringo". En 2001, dans un contexte extrêmement difficile pour la sidérurgie française, il sort l'album "Arrêt sur image" où figure certainement l'une des plus belles chansons de l'univers musical francophile : "Les mains d'or". Une ode hautement émotionnelle aux durs métiers des hauts fourneaux, qui m'arrache à chacune de ses écoutes des larmes de bonheur. Moi qui, dans une lointaine vie antérieure, avait modestement forgé des pics pour embrocher des poulets sur les rôtissoires de M. Giraudon dans son atelier de Sainte-Geneviève-des-Bois (Cf. Photo N°2 ci-dessous) !
Durant l’année 2019, Bernard Lavilliers part en Argentine, histoire d'engager et de connaitre de nouvelles expériences qui donneront naissance le 12 novembre 2021 à l'original album, "Sous un soleil énorme", dont le chanteur défendra plusieurs de ses titres au cours de sa tournée hexagonale de 2022 et 2023.
Le 9 décembre 2022 il faisait escale avec ses 6 musiciens, Marco Agoudetse (saxophone, percussions et violoncelle), Vincent Faucher (guitares), Michaël Lapie (batterie et guitare), Olivier Bodson (guitare, trompette et bugle), Xavier Tribolet (claviers et accordéon) et Antoine Reininger (basse, contrebasse et percussions), à la salle du Jeu de Paume à Blois.
Nous y étions en famille, en compagnie de 2275 autres personnes, pour l'entendre et le voir interpréter durant un peu plus de 2 heures les vingt-deux titres suivants de son répertoire :
01 - Les Porteños sont fatigués - 2021
02 - Voyageur - 2004
03 - Scorpion - 2013
04 - Samedi soir à Beyrouth - 2008
05 - La grande marée - 1975
06 - Petit - 1988
07 - Je cours - 2010
08 - Beautiful days - 2021
09 - Troisièmes couteaux - 1994
10 - Bon pour la casse - 2017
11 - Betty - 1981
12 - On the road again - 1988
13 - Le cœur du monde - 2021
14 - Noir tango - 2021
15 - Gentilshomme de fortune - 1986
16 - Idées noires - 1983
17 - Stand the Ghetto - 1980
18 - Toi et moi - 2021
19 - Borinqueño - 1986
20 - La salsa - 1980
21 - Les mains d'or - 2001
22 - La malédiction du voyageur - 1981
Le Jeu de Paume
66 avenue de Châteaudun
41000 BLOIS
Tél. : 02 18 14 24 95
C'est un des lieux mythiques de la capitale et on oublie très vite l'époque où ce "pré" servait de carrière pour extraire les pierres destinées à paver le Bois de Boulogne. Dès son inauguration comme parc d'attraction en 1856, le Pré Catelan connaît un immense succès. Le site est bucolique, ses orchestres sont de grande qualité et ses fêtes sont raffinées, bref tout contribue à l'instituer comme l’un des lieux les plus prisés de la capitale. En 1905, l'architecte Guillaume Tronchet, formé aux Beaux-Arts de Paris, le transforme en casino-restaurant de luxe. En 1908, c'est Léopold Mourier, propriétaire notamment du Fouquet’s, qui le rachète et le façonne pour qu'il devienne l’un des endroits les plus courus du tout Paris. Mais c'est grâce à Colette et Gaston Lenôtre, qui en 1976 reprennent Le Pré Catelan, que l'établissement devient un haut lieu de l’événementiel, se distinguant de la concurrence par une offre gastronomique haut de gamme. En 1997, Frédéric Anton, y pose sa toque et ses casseroles. Et en 1999, ce disciple de Bardot, Boyer et Robuchon décroche une deuxième étoile qui sera suivie en 2007 par la troisième, toujours au programme en 2022. Entre temps, Frédéric Anton devient MOF en 2000. Depuis 2011, l'établissement est aux mains de la Sodexo.
C'est toute cette histoire, notamment celle liée à Gaston Lenôtre dont les ouvrages m'ont inoculé le virus pâtissier, qui nous a conduit avec mon épouse à choisir le Pré Catelan comme "cadeau de Noël" avancé avec la formule "Le menu du Pré et son accord mets/vins.
Pratiquement tout avait été réglé avec Thierry Pruvot, le nouveau directeur de salle depuis 2019 (après le départ de l'emblématique Jean-Jacques Chauveau et ses 39 années de bons et loyaux services), pour arriver sur le coup de 11 h 45 et faire un petit tour dans l'établissement pour glaner ici et là quelques images animées d'au moins un des 12 Salons (Honneur, Trianon, Empire, Louis XVI, Versailles, Catelan, Lenôtre, Caravelle, Marie-Antoinette, Médicis, Roqueplan et Eugénie). C'était hélas, sans compter sur Anne Hidalgo et ses sbires écolos ! Car le samedi, mais aussi le dimanche, une partie des voies de communication du Bois Boulogne, dont l'essentielle allée de la Reine Marguerite, est neutralisée pour permettre à quelques adeptes de la bicyclette et du jogging de les parcourir ... Et bien sûr qu'aucune signalisation n'a été mise en place pour permettre d'arriver tranquillement et sereinement au Pré Catelan ! Après plus d'une demi-heure d'errance dans le Bois de Boulogne à chercher la bonne issue pour parvenir au Pré Catelan, nous y serons à 12 h 15 ... et c'est foutu pour la visite !
A ce propos, il est fort regrettable, pour ne pas dire inacceptable, que la direction du Pré Catelan, au courant de l'arsenal anti-voiture mis en place le WE par "Madame 1,75 %", ne prévienne pas sa clientèle de province de cet épineux problème !
Après avoir retrouvé tout mon calme, ou presque, nous pouvons passer la porte d'entrée du Pré Catelan. Nous y sommes accueillis par Thierry Pruvot, équipé, comme d'ailleurs tout le personnel, d'un masque. Il nous conduit dans la grande salle et nous invite à prendre place sur une large "banquette verte" accueillante et confortable.
L'amuse-bouche qui accompagne notre coupe de Champagne Pierre Gerbais, 100 % Pinot meunier (et donc de l'Aube), est une longue et croustillante Allumette au Comté et Parmesan. C'est impeccable mais dommage qu'elle soit orpheline ...
Nous commençons par les deux premières préparations de notre menu, servies ensemble. Tout d'abord, l'Oursin, tartelette croustillante, crème Stracciatella, caviar et zestes de citron vert, et ensuite le Crabe, petit flan moelleux, dashi, fumet léger à l'anis. Il y a un sacré travail d'architecture gustative et de textures. C'est nickel/chrome ! Pas de vin d'equipage ...
Nous poursuivons avec le Homard, comme un cappuccino. Il s'agit en fait d'une bisque bien concentrée mais surtout très équilibrée dans sa puissance, et qui se boit, tout simplement. Max Power, le sommelier qui officie à notre table, nous sert un Bergerac sec 2018 des Conti, au nez profond, très fleurs blanches, ample en bouche avec une finale gourmande et croquante. Parfait !
Déjà le quatrième service avec La Saint Jacques, rôtie au beurre de au romarin. Plongée ou drague, aucune info n'est donnée sur son mode
de pêche et son origine, et c'est bien dommage dans un 3 étoiles. Heureusement, ma pecten maximus est cuite pile poil et
le beurre au romarin est
remarquablement équilibré et respecte la délicatesse de ce produit. Cette idée me plait bien et j'essaierais; en toute modestie, de reproduire cette association à la
maison. Le vin choisi est le très rare Jasnières, un nectar trop souvent oublié dans les cartes des restaurants, un cru dont Curnonsky déclarait qu’il
produisait le meilleur blanc du monde… trois fois par siècle. Celui servi est issu de la parcelle Les Côtières et vinifié
par Christine de Mianville, dont le chenin s'unit parfaitement au coquillage et au romarin.
Nous continuons avec La Langoustine, ravioli, foie gras de canard, fine gelée à la feuille d’or. Mais quel est l'intérêt gustatif de la feuille d'or ? Mis à part cette remarque, l'ensemble une fois de plus est remarquablement conçu pour offrir une découverte papillaire au top. Le breuvage d'équipage est un Riesling "Rosenberg" 2018 d'Albert Mann. Avec sa pointe de sucres résiduels et son absence de manifestation pétroleuse, l'accord est concluant.
Nous maintenons nos découvertes visuelles et gustatives avec Le Cabillaud, brandade Moelleuse. Je dois avouer qu'à l'énoncé de ce plat j'étais plutôt perplexe, redoutant un côté aillé. Dès la première bouchée, je comprends que cette brandade, comme d'ailleurs pratiquement tous les plats servis, est dans la finesse et la virtuosité. Son onctuosité la rend addictive. Le vin d'alliance ? C'est un Châteauneuf-du-Pape 2017 de la famille Mayard, version "La Crau de ma Mère". Assemblage de Grenache blanc, Clairette, et Roussanne, élevés en demi-muids pendant 8 mois, ce vin est suffisamment puissant et aromatique pour dominer, mais sans l'écraser, le côté brandade du plat.
Avec Le Saumon, fumé au bois de cerisier, confit, wasabi, je ne m'attendais pas à être autant estomaqué ! La cuisson est plus que parfaite, à la frontière du mi-cru/mi-cuit, le fumage est délicat avec un wasabi équilibré, non agressif. Mon seul regret concerne ma portion ... pas assez conséquente ! Le Châteauneuf précédent l'accompagne en toute quiétude.
Je ne suis pas un amateur du caviar, et encore moins un grand connaisseur. L'expérience de cette pause "Caviar (de France), sorbet Champagne" ne va pas changer la donne. Je reste toujours aussi circonspect par la présence d'une telle préparation dans un menu, si ce n'est pour justifier sa tarification, comme pour la feuille d'or d'ailleurs. D'autant qu'aucune précision n'est donnée sur l'espèce servie (baerii ?), sur la région de sa production (Aquitaine, Sologne ?); idem pour le Champagne utilisé. Donc, je passe et j'oublie ...
Théoriquement, selon le contenu du menu proposé ce 17 décembre 2022, le plat suivant devait être Le Pigeonneau, préparé comme une rôtie, jus d'ortie. Mais lors de mon entretien téléphonique préalable avec Thierry Pruvot, j'avais pris la sage précaution de m'assurer que Le Lièvre à la royale, à la façon du sénateur Couteaux serait toujours d'actualité et j'en avais réservé deux parts. Cette version est celle que Joël Robuchon défendait bec et ongles. Dès lors, Frédéric Anton ne pouvait que l'adopter ! Palais délicat s'abstenir, car cette interprétation est annoncée comme très couillue, du fait notamment des proportions d'échalotes et de gousses d'ail utilisées ! En fait, d'intenses saveurs et effluves sont certes présentes mais elles sont maitrisées, apprivoisées. L'expérience de cette version se révèle hautement convaincante. Et les pâtes à la truffe et au Parmesan apportent ce supplément d'âme qui fait la différence ! Pour le vin, nous voguons vers la Corse, du côté de Calvi, avec un 100% Sciaccarelu de 2017 du Clos Colombu d'Etienne Suzzoni. Sa matière charnue abrite un élégant fruité épicé qui pactise au mieux avec notre léporidé.
A la lecture de l'intitulé Le Fromage, soufflé chaud vapeur, truffe, j'imaginais le service d'un soufflé au fromage, aérien. Il n'en est rien. Le fromage (pas d'infos sur son origine !) est légèrement compact, certainement du fait de son mode de préparation et de cuisson. Mais l'ensemble se dévoile très savoureux (délicate crème de Comté) et se laisse apprécier sans problème.
Dernier volet de notre menu, la partie sucrée en 2 épisodes. Le premier met en scène Le Pollen, sablé, glace au miel. Constante de la cuisine de Frédéric Anton, son visuel est très étudié, méticuleux et pointilleux dans la mise en place de son décor; et dès la première bouchée, l'engagement à poursuivre notre péché de gourmandise se manifeste sans retenue. Le second présente Le Chocolat, tarte fondante au cacao amer, crème glacée pistache, un dessert ciselé qui se révèle aérien, moelleux et goûtu, bref très Robuchonnien. Le mariage vineux s'opère avec un vin d'Alsace, un Gewurztraminer 2016 "Fronholz" du domaine Ostertag. Ses 48 g/l de sucres résiduels sont équilibrés par une belle minéralité et avec ses notes épicées, notre nectar pactise en toute intelligence avec nos deux desserts. On conclut avec deux excellentes mignardises, seulement deux devrais-je dire, à l'instar de l'unique amuse-bouche ! En effet, si je fais le parallèle avec notre déjeuner du 24 juin 2021 chez Pierre Gagnaire, ce Pré Catelan manque d'un récurrent poil de générosité ... et de gratitude pour Frédéric Anton, absent ce 17 décembre 2022, dont j'aurais apprécié un simple message de remerciement pour ma remise du fac-similé d'un menu du 14 mars 1983 dédicacé par Joël Robuchon.
Une dernière attention enfin à l'égard de Joffrey Dupont, tout jeune commis en salle, qui à 13 ans m'a confié avoir visionné notre déjeuner chez Bocuse et suivre depuis ma chaîne YouTube ! Etonnant, attendrissant et réconfortant !
Le Pré Catelan
Chef : Frédéric ANTON, MOF 2000 - Adjoint : Mehdi SGARD
Directeur de salle : Thierry PRUVOT - Sommelier : Max POWER - Serveur : Joffrey DUPONT
Bois de Boulogne
75016 PARIS
Tél. : 01 44 14 41 14
Email : leprecatelan-restaurant@lenotre.fr
Site web : https://restaurant.leprecatelan.com
Que dire à propos de la disparition de Philippe Olivier, le "Pape" des fromages, ce 15 décembre 2022, sinon que de reprendre l'article que je lui avais consacré sur le site de "feu" le Bottin Gourmand (assassiné par ces connards du "Débit Industriel" !), à l'occasion de son départ à la retraite et que j'ai repris ensuite dans mon site :
"Désormais grâce à Philippe Olivier, vendre un fromage est devenu un art. Que dis-je, c'est une confrérie des 7 arts : art de l'affinage, art de la découverte, art de la réception, art de la pédagogie, art de l'humilité et art de l'exportation. Et, pour exprimer au mieux tous ces arts, la dernière trouvaille de cet homme, toujours en quête de nouveauté et de perfection, c'est la Bière à Frometon®. Les fromages s'accordent souvent avec le vin de leurs terroirs. Pour le Nord, comme ce département ne recense aucun vignoble, les fromages à pâte molle et à croûte lavée, ainsi que les fromages à pâte pressée, pourront désormais s'exprimer au mieux avec une bière locale spécifiquement créée à leur intention. Cette bière ambrée, de fermentation haute (les seules bières dignes d'intérêts), est le fruit d'une étroite collaboration entre deux passionnés; Philippe Olivier bien sûr, et Christophe Noyon, agriculteur brasseur aux Deux Caps. A l'approche de sa retraite annoncée, une rencontre avec Philippe Olivier devenait plus que nécessaire, elle était vitale surtout, comme votre serviteur, quand on partage l'adage de J-A Brillat-Savarin : “Un repas sans fromages est une belle à qui il manque un œil !".
Samedi 27 mars 2010, en route pour Boulogne-sur-Mer où j'avais rendez-vous avec Philippe Olivier à 15 heures 30 dans sa fromagerie. En l'attendant, je parcours son étroite boutique-couloir et je reste émerveillé par le choix incroyable et l'aspect de la centaine de fromages proposés ici. Vers 15 h 45, Philippe Olivier arrive, me salue et me demande, avec une voix amicale de bien vouloir l'excuser pour son retard (il était retenu par un important client pour affaire). Cette déférence me frappe et me fait prendre conscience que cet homme, comme tous ceux de sa trempe, sont d'une grande humilité. Lui, le puits de science de la galaxie fromagère, "le référent" mondial des préparations au lait cru, sollicite mon obligeance, moi le sans grade de la pâte molle, le béotien de la croûte fleurie, qui, à l'image d'un cyclotouriste du quatrième âge souhaitant atteindre le Tourmalet, l'a sollicité et a obtenu qu'il me consacre un partie de son temps précieux. Mais qui donc aurait pu avoir l'outrecuidance de ne pas l'excuser !
Dans la famille Olivier, le fromage c'est un sacerdoce. En 1907, le grand-père Ernest Leroux avait un magasin situé rue de la Tour à Beurre à Rouen. Il était président des "marchands de beurre" de Seine Inférieure. Le père, lui, était fromager à Dieppe. Quand à 14/15 ans Philippe Olivier tombe gravement malade, celui-ci, à l'issue de sa convalescence, lui demande ce qu'il peut faire pour lui. Réponse de l'intéressé : “Tu me paies une R8 et tu me donnes de l'argent de poche pendant deux ans“. Banco, et fort de cette aide il va parcourir la France et faire du compagnonnage. Au cours de son périple hexagonal, il apprendra notamment à faire du fromage, un atout que peu de fromagers peuvent se vanter d'avoir dans leurs bagages. Ensuite, cap sur Paris où l'un de ses patrons d'apprentissage lui confie la reprise d'anciennes crémeries de l'après-guerre dont les devantures étaient peinte en bleu. Projets d'aménagements avec un installateur de magasin, décoration des locaux et formation du personnel, c'est ainsi qu'il ouvrira cinq boutiques dans la capitale.
Mais l'homme est épris d'indépendance. Il souhaite surtout monter sa propre affaire. Celles disponibles à Paris sont beaucoup trop chères pour les cordons de sa bourse. Ayant passé son enfance à Dieppe, il voulait surtout trouver quelque chose plus proche du bord de la mer. Il retourne alors en Normandie, celle de la région de Dieppe. Il va voir son père qui lui déclare : “Y'a une coutume en Normandie, l'affaire va à l'aîné de la famille. Comme tu es le deuxième, il faudra aller voir ailleurs ! " Cette remarque secoue la sensibilité à fleur de peau du jeune Philippe Olivier. Il claque la porte en lui déclarant : “Un jour, j'aurais une boutique dont le chiffre d'affaires sera plus gros que le tien !". Effectivement, après avoir prospecté à Dunkerque, Le Havre et Calais, c'est finalement à Boulogne qu'il se fixera avec son épouse, native d'Armentières, après avoir pris un café au Royal dans la rue principale en compagnie de son père. Car au cours de cette escale, il est tombé sur une ancienne boucherie tenue par une veuve. L'emplacement est idéal mais tous les Boulonnais rencontrés lui déclarent qu'il n'arrivera jamais à lui acheter son pas de porte. Fougue de la jeunesse, sens pointu de la relation humaine, Philippe Olivier en fera l'acquisition. Aujourd'hui, c'est dans cette même boutique qu'il me reçoit. En dessous, sont disposées de petites caves et sous les étagères une couche de terre et de charbon de bois ont été étalées. Chacune d'elles à une hygrométrie et une température adaptées aux fromages qu'elle héberge. Ils y "mûrissent" sur des clayettes en bois réalisées en hêtre ou en orme, mais surtout coupées à la lune montante. C'est un vieux truc des fromagers d'autrefois qui savaient que la sève continue de monter. A vivre, quoi ! Ainsi, la flore des fromages se développe mieux et leur maturation s'en trouve améliorée.
Durant toutes ces années, Philippe Olivier a œuvré sans compter (et non pas sans Comté !) pour la défense et le renouveau des fromages du Nord. Je me rappelle d'ailleurs, avoir fait connaissance de ses fromages chez Bernard Robin au début des années 80, et avoir découvert son visage dans une émission de JP Coffe dans les années 90. Il y présentait notamment une Mimolette cassante, un grand et inoubliable moment. Dans ces années là, il créera d'ailleurs un fromage, le Crémet du Cap Blanc-Nez, à la croûte fleurie et en forme de gros Gaperon. La particularité de cette création sera d'être fabriquée à partir du lait des vaches qui paissent dans l'herbe salée des pâtures envahies par la marée. On peut en conclure, à l'instar de l'agneau qui broute dans l'estran, que ce Crémet est un fromage de pré salé ! Ma visite se terminera par une passionnante dégustation de fromages, naturellement au top de leur affinage : Camembert de Normandie - Reblochon affiné à l'Apremont - Fromage chèvre de Bourg en Bresse – Bergues - Maroilles de 100 jours - Mimolette de 2 ans - Fromage italien, que du bonheur !
Après cette dégustation, inutile de préciser que Philippe Olivier est passionné par son métier de fromager. Les trémolos dans sa voix quand il évoque "les fromages au lait cru" se suffisent à eux-mêmes. Et ce ne sont certainement pas les élèves de première année de BAC professionnel du lycée hôtelier de Beuvry qui me contrediront, eux qui avaient les larmes aux yeux en écoutant son vibrant plaidoyer, dont l'émission "Les fables de M. Aubrée en Nord Pas de Calais et Picardie" passées en juin et juillet 2010 sur FR3 s'est faite l'écho.
Aujourd'hui, l'entreprise "Olivier" c'est 17 personnes et 55 % de son chiffre d'affaires à l'export (Europe, Dubaï, Katar, Chine, Singapour). C'est aussi 800 restaurants approvisionnés dans le monde, plusieurs fromagers de l'hexagone et 10 points de vente en Nord Pas-de-Calais, dont 2 à l'enseigne "Philippe Olivier".
Après sa retraite prise fin septembre 2010, Philippe Olivier, également Président du Syndicat des Fromagers de juin 2010 à juin 2015, reste toujours au contact de sa passion. Les conférences dans le monde entier pour des syndicats fromagers ou pour Sofitel (Papeete, Bora-Bora …) ainsi que la présidence de quelques concours, vont employer son nouveau "temps libre". La première soirée de cette nouvelle vie, à laquelle il nous avait d'ailleurs gentiment conviés pour son premier jour de retraite, s’est déroulée à Bergues, une petite cité de caractère du Nord de la France, rendue célèbre par le film de Dany Boon. Organisée le vendredi soir 1er octobre 2010 par la confrérie du fromage de Bergues/Saint-Winoc, elle a été l'objet d'un repas associant les fromages de l'hexagone à des grands crus."
Ce panégyrique, je le concluais ainsi : "Mon cher Philippe, je sais que ta nouvelle vie active va être aussi remplie que l'ancienne, alors longue route à toi". Aujourd'hui, comme cette route s'est hélas arrêtée, je te dirais juste : Repose en paix ...
Fromagerie Philippe OLIVIER
Propriétaire : Romain OLIVIER
12 rue Thiers - Au cœur de l'Espace Piéton
62 200 BOULOGNE-SUR-MER
Tél. : 03 21 31 94 74
Email : info@philippeolivier.fr
Site web : https://philippeolivier.fr